De la difficulté de passer d’une position de challenger à une position de leader

Nous avons tous apprécié les efforts d’EADS et d’AIRBUS pour talonner, puis rattraper BOEING. Nous comptions avec eux les commandes au salon du Bourget et comme avec l’équipe nationale de foot, nous célébrions chaque victoire jusqu’à la victoire finale. EADS, l’européen, était devenu premier et l’Europe avait, au moins dans ce domaine, dépassé les Etats-Unis d’Amérique.

Et puis tout s’écroule, des soupçons sur le président, des retards inquiétant, un directeur général au rôle ambigu, des licenciements non prévus…

Le challenger est devenu leader et tout à coup on a le sentiment que la machine ne tourne plus, qu’elle ne sait plus produire de succès, que les règles qui avaient fait la réussite ont été oubliées…Comme si elles n’avaient jamais existé !

Il en fut de même avec CANAL + qui rattrapant en audience certaines « grandes chaînes hertziennes » commença à aller mal, à perdre ses abonnés et ses équipes…

On pourrait multiplier les exemples de LEVI’S, le jean des rebelles devenu la tenue « obligatoire » de tous à MOULINEX, l’exception de l’excellence féminine devenu le robot de toutes, de LIBERATION, le quotidien des soixantuitards faisant jeu égal en audience à certaines périodes avec LE FIGARO à TATI le fouineur devenu marketeur segmentant ses TATI bonbons…

On ne dit pas assez aux entreprises dans les analyses de marque que le plus important n’est peut-être pas le fameux positionnement et son corolaire, l’identité de marque, mais le statut stratégique de la marque.

Là aussi simplifions un peu la parole des experts qui ont tendance à catégoriser à l’extrême.

Il n’y a réellement que quatre statuts possibles : Leader, challenger suiveur ou niche.

Le leader trace le marché et définit, au travers de son chemin la « doxa » du marché tout entier.

Le challenger s’oppose au leader. Il a tendance à faire l’inverse de celui-là pour imposer sa vision alternative du marché.

Le suiveur suit le leader et lui seul. Ainsi fait-il beaucoup d’économies en R&D et évite de nombreuses erreurs. C’est généralement le statut le plus rentable à défaut d’être le plus enviable.

Le statut de marque de niche force à accepter de n’être pas la marque de tous, mais de quelques uns seulement, les plus turbulents ou les plus argentés.

Le challenger veut naturellement rejoindre et dépasser le leader. C’est sa raison d’être.

La marque de niche veut presque aussi naturellement devenir plus globale et s’adresser à un public plus large pour accroître son audience et développer ses ventes, et le pense-t-elle ses profits.

Le suiveur tente de devenir challenger en ajoutant la créativité nécessaire à sa position initiale.

Quelquefois même le leader veut se comporter en challenger et bousculer à son tour le marché sur lequel il prospérait jusque là.

Las ! Toutes ces stratégies de mutations, aussi légitimes soient-elles sont rarement couronnées de succès.

Car ces volontés de changement mettent en cause des mentalités profondes : les attitudes du groupe et de chacun des collaborateurs individuellement.

Se battre contre BOEING était l’attitude de l’entreprise EADS. Cette façon de penser structurait des comportements internes. Inventer ses propres règles nécessite de penser autrement..

Combattre la droite au pouvoir depuis toujours légitimait le combat de LIBERATION. Maintenir ses parts de lecteurs est nettement moins structurant d’une attitude combat pour une rédaction qui s’était sentie militante.

On ne passe pas du challenger au leader sans repenser l’entreprise,; ce que peu font, trop heureux d’avoir réussi à détrôner le monarque en place,

On ne passe pas d’une culture d’opposition à une culture de pilotage sans changer les fondements même de l’organisation, les hommes et la source même de la fierté des collaborateurs.

Le diagnostic de l’impact culturel d’une modification de stratégie, même souhaitée, n’est pas assez établi. Les champs de bataille des marques sont remplis de marques à terre qui ont changé de stratégie sans en avoir analysé l’impact. Les choses vont vite et 20 MINUTES, le rebelle de la presse quotidienne fait désormais figure de quasi leader copié, NESPRESSO la marque de niche est vendue en grande distribution, et CELIO le suiveur joue désormais à la marque challenger…

Il en va de même en politique.

Dans la campagne présidentielle 2012, Nicolas Sarkozy veut essayer de se faire passer pour un challenger. La position d’attaquant est toujours plus simple que celle de défenseur.

François Hollande en a-t-il vraiment conscience ?

Zeus, dieu leader de l’Olympe a toujours du mal avec son « challenger » Dionysos ;;;

 

Publié par G. Lewi

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