Les publicitaires renoncent à être des gourous. Ce que je n’ai pas dit à Influencia…ou le mythe du couteau suisse.

D’abord mon papier du 2 mai 2013 sur Influencia (pour ceux qui ne l’ont pas lu):

Selon un article du “Monde” du 27 avril 2013, le patron d’Havas Worlwide France renoncerait, après l’affaire Cahuzac, à l’activité de conseil en politique. Est-ce une bonne chose ?
« Il faut s’interroger sur les conditions d’exercice d’une activité qui représente 1% du chiffre d’affaires du groupe et 99% de ses emmerdes », affirme au quotidien Stephane Fouks dont l’équipe a conseillé DSK, et pas mal de ministres dont Jérôme Cahuzac.

Vendre un baril de lessive ou un homme politique, la  même technique?

Voilà une question qui se pose depuis la glorieuse ascension de Jacques Seguela qui a fait croire à tout le monde que son talent faisait des présidents et des vainqueurs. Partout. Urbi et Orbi. Dans la ville de la proximité politique et dans le grand monde de la globalisation des marques et des entreprises.

La technique est la même. Les médias, le buzz sur le net, la proximité des militants et du linéaire de la distribution, la promesse de « laver plus blanc » ou la promesse électorale. Les publicitaires habitués à manier ces techniques savent faire ce job technique  pour un personnage public. C’est évident.

Vendre un baril de lessive ou un homme politique, le même storytelling?

N’en déplaise à Christian Salmon, la logique du storytelling ne doit pas être mise en cause. Storytelling n’est pas une insulte mais une méthode de persuasion. C’est celle de la rhétorique ; de quel droit, on interdirait à un candidat ou à ses conseillers d’user des méthodes rhétoriques qui ont montré leur efficacité depuis la nuit des temps ? Comme pour une marque, un politique doit savoir et pouvoir exprimer sa vision, définir contre quel fléau il se bat, et montrer ce qui justifie qu’il réussira mieux et plus vite qu’un autre.

Vendre un baril de lessive ou un homme politique, le même métier?

Là non ! Ce n’est pas le même métier. A cause de la différence entre la force de l’inertie d’une grande entreprise d’un côté et la fragilité du personnage sans cesse exposé à l’opinion de l’autre. A cause du temps imparti à l’un et à l’autre. La grande entreprise a un an, deux ans, trois ans, cinq ans…, le personnage public une semaine, un mois, cent jours au mieux. Un paquebot à tribord, un voilier à bâbord ! Avec une entreprise, son conseil a du temps. Avec un personnage public, son diagnostic doit être juste tout de suite et tenable sur le long terme. La « pub » et ses paillettes éphémères n’a pas sa place sous l’œil de la démocratie. Certains ont payé tout le quinquennat une seule soirée au Fouquet’s !

Vendre un baril de lessive ou un homme politique, la  même vérité ?

Qu’est-ce qu’une marque ? Un nom sur un produit ou une entreprise. Ce nom, les publicitaires, essayent d’en faire une « personnalité » au travers des plateformes de marque, des promesses de marque, des contenus de marque et même récemment, sommet de l’abus de langage, de « culture » de marque. Mais une marque n’existe pas. C’est une perception des consommateurs. La marque est pilotée par des managers qui vont lui donner une personnalité, ou la faire disparaître selon les besoins. A contrario, un homme ou une femme politique est d’abord un être humain qui a son libre arbitre. On ne pilote pas un être humain comme on le ferait avec une image construite de toute pièce. Le mélange des genres n’est pas permis !
Les publicitaires, gens intelligents auraient dû comprendre depuis longtemps que la marque est un « objet » et le politique un « sujet ».

C’est une différence majeure même si le panneau d’affichage qui portera le message pour l’un ou l’autre est bien le même !

Ce que je n’ai pas expliqué à Influencia. Le mythe du couteau suisse.

Notre société est victime depuis longtemps du mythe du “couteau suisse”. Il est rouge, se voit bien, semble compact, se trans porte facilement avec soi et s’impose dans notre vie comme LA SOLUTION en cas de problème.
Les publicitaires se sont faits passés pour des “couteaux suisses” capables de résoudre tout type de problème et de répondre à toutes les questions.Ils sont devenus passe-partout et sont sortis de la technique pour s’affirmer comme “spin doctors”, “lobbyistes”…

Par facilité, les entreprises les suivent. Comme le couteau suisse, elles les ont sous la main. Ils ne se sont pas privés de s’arroger la publicité bien-sûr, le CRM, le branding, le e-branding, le personal branding, les RP, le design, et bien sûr la communication publique sous toutes ses facettes.

Mais un couteau suisse n’est pas assez “pointu” pour jouer au scalpel, un publicitaire pas assez acéré pour opérer la société à coeur ouvert.

Publié par G. Lewi

2 réflexions au sujet de « Les publicitaires renoncent à être des gourous. Ce que je n’ai pas dit à Influencia…ou le mythe du couteau suisse. »

  1. Bonjour,

    Je trouve votre article très intéressant mais j’ai du mal à vous donner raison car il est un peu trop simple de mettre sur un même plan lessive et politique. Comme il est aussi trop facile de parler du publicitaire comme si c’était un profil unique.

    Une agence est comme une grande entreprise elle peut proposer différents produits complètement indépendants les uns des autres. Et elle emploie différents types d’employés aussi.

    Si bien que le profil d’un spin doctor n’est pas forcément celui d’un chef de projet Procter et Gamble. Et une équipe qui s’occupe de communication politique sera organisée différemment d’une équipe de communication de marque.

    Je vous rejoins en revanche sur un point : celui du couteau suisse. Selon moi, ce n’est pas tant le publicitaire qui est le couteau suisse mais ces “vérités d’agence” (disruption et compagnie) que les agences essaient de recuisiner à toutes les sauces en communication de marque comme en communication politique …

    Au plaisir de vous lire

    • Merci Barthelemy
      Je suis d’accord sur l’aspect simplificateur. Le branding d’une lessive ou marque d’assurances (m^me de mutuelle) reste assez simple car il y a du temps (un peu), des constantes, des objectifs -a priori- définis par l’entreprise (gagner des parts de marché -du volume- ou de la valeur).
      Un être humain , a fortiori, très exposé est beaucoup plus complexe. La méthode ou pensée “couteau suisse” (disruption ou autre) est pour le coup ,trop simpliste pour répondre aux impératifs de l’être humain, de ses doutes, de ses ambitions pas toujours admises ou affirmées,de son entourage direct, du parti, des sondages, du FMI, des gouvernements étrangers…de sa concierge.
      La marque ne se soucie que de ses consommateurs, et c’est déjà pas mal quand elle essaye de bien le faire.
      Cdt.
      GL

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