A quoi peut bien servir Facebook? Ma tribune libre sur Marketing professionnel.

Chaque semaine apporte son lot de suicides d’ados qui annoncent leur geste sur Facebook avant de passer à l’acte. A chaque fois, le même constat : personne n’a bougé. « Elle nous racontait toujours des cracks…On n’aurait jamais cru cela de lui… » A quoi sert Facebook (comme symbole des réseaux sociaux) si, malgré, les milliers d’amis, chacun se sent toujours aussi seul ?

« Comme toi, je vais me foutre en l’air demain matin. J’ai commandé, il y a dix jours, le livre Réussir sa mort, écrit par un prof de philo. La quatrième de couverture propose « une anti-méthode pour accueillir l’échec et la perte ». Une nuit également à préparer le matériel. Une nuit pour t’écrire, et rédiger mon petit cahier bien à moi. J’avertirai également, comme cela se fait, mes 18 522 amis Facebook, et les quelques 80 000 abonnés de mon blog. J’ai 27 ans, l’âge des suicidés »*

Emma Bovary est morte de solitude, lâchée par ses amants et ses amis qui lui refusent le peu d’argent qui aurait pu la sauver, elle qui se montrait si généreuse avec eux. On peut penser qu’un appel au secours dans la génération Facebook qui cultive et multiplie l’amitié, sera entendu. Illusion ! Les amis sont toujours aussi sourds et la génération Facebook est bien une génération Bovary, victime d’une triple illusion.

Facebook, un remède contre la solitude ? Une réponse à quoi ?

Illusion de la rencontre

Facebook est une scène de théâtre, où chaque internaute, acteur de son propre rôle, va au-devant de « ses » amis spectateurs, de son public qu’il espère de plus en plus nombreux, en qualité et en quantité. Mais un acteur peut-il considérer ses spectateurs comme de véritables amis, même si à la fin de la pièce, ils le « like » en applaudissant ? Lui-même est-il attentif à chacun de ses amis spectateurs ? Sans développer le mythe de Molière mourant sur scène, on sait qu’un acteur mourant sur scène n’est jamais repéré sur le champ. Les spectateurs pensent alors qu’il s’agit d’une mise en scène. Ce n’est que le lendemain « dans le journal » que le spectateur « ami » apprend que la mort n’était pas feinte !

Georges Lewi, Mythologue, spécialiste des marques. Essayiste, romancier

Georges Lewi, Mythologue, spécialiste des marques. Essayiste, romancier

Illusion de la transparence

Jouer de la transparence devrait être la règle de cette génération qui a inventé sa propre mise à nu sur la toile. Avec son vrai (ou pas) nom, avec les diverses facettes de ses personnalités. On devrait pouvoir être son propre wikileaks, cultiver sa transparence, celle des bons et des mauvais moments. Illusion ! Facebook est la photographie généralisée d’un monde de « bisounours » où tous les paysages sont splendides, les fleurs sentent bons, les enfants mignons et les gâteaux d’anniversaire aussi nombreux que les feuilles des arbres sur un sol d’automne. Le réseau est là pour montrer l’acceptable au « liker » anonyme, ce qui ne nécessite ni réflexion, ni commentaire. Chacun y va de la création de sa propre page de magazine sur papier glacé.

Illusion du féminin

74% des blogs sont lancés et animées par des filles. Grâce au net, elles reprennent publiquement le rôle d’influence que la femme a toujours eu, et en particulier, dans les sociétés qui ont eu et ont le vent en poupe. Mais là aussi, la bêtise et la méchanceté sociale rattrapent les bonnes intentions. Ce sont surtout les filles qui sont désormais harcelées sur les pages Facebook, jusqu’à mettre en ligne des scènes de viol dont elles ont été victimes. Suicide assuré au bout de la nuit ! Le féminin exprime son être et sa douleur, le masculin le met en scène. Brutalement ! Bestialement.

A quoi peut bien servir Facebook ?

A l’essentiel : pouvoir s’exprimer. A rien : ne pas pouvoir être compris. Par définition, un réseau social a pour vocation de faire circuler de l’information, de la sensibilité d’est en ouest, du haut vers le bas, de la cave au grenier. Pratiquement, on ne parvient pas malgré la disponibilité technique à rompre le fameux schéma « Je cause, Vous vous taisez », à inverser le schéma de la circulation à sens unique, celui de l’autoroute où l’on voit passer les voitures en sens inverse sans les croiser. Chacun devient la figure de sa propre autorité, là où on aurait espéré plus de partage, plus de démocratie…

Et sa source:

http://www.marketing-professionnel.fr/tribune-libre/facebook-marketing-remede-contre-solitude-201312.html

Le peintre et le romancier.

Le peintre Laurent Melon (copie d’une oeuvre ci dessous pour illustrer V. Hugo)  qui “tenait galerie” avec Marie Waltz (www.marywaltz.canalblog.com) m’ont invité hier à l’exposition. qu’ils tiennent à Paris et à la projection des “Scopitones”, ces tableaux vivants dont eux seuls ont le secret (à voir sur GotoLeo38).

Laurent, que j’avais rencontré lors d’une émission littéraire de radio sur  Bovary21*  a eu la délicatesse de lire ce roman. Ce “fan” d’Hugo, des poètes hors normes, et des grandes épopées m’a dit et (le connaissant), je le crois volontiers avoir vérifié sur place s’il restait des traces de pneus de l’accident que je relate dans mon roman.

Il paraît qu’elles y sont toujours…

Seul un peintre a ce type de réflexe : aller voir, aller toucher, vérifier la factualité de la chose pensée par l’auteur. La peinture est matière, tangibilité, effet sensoriel des événements les plus intimes. A propos du peintre Soulages, le poète Ch. Bobin écrivait: ” “Mon âme prend un bain de nuit devant ses tableaux. Pour moi, Soulages n’est pas un peintre, mais l’un des plus grands penseurs de tous les temps. “

J’ai compris hier qu’il ne fallait sans doute plus dire “l’art” mais “les arts” tant ceux ci se complètent et se stimulent. Le numérique va-t-il bousculer cette complémentarité en instituant une nouvelle unité qui n’était jusque là que l’apanage de l’humain et non de sa production?

 

Hugorama, La Légende des siècles selon Laurent Melon

*Bovary21. Georges Lewi. (François Bourin Editeur. 2013.)

 

Décryptage du mythologue sur Influencia.

Quand les arbres de Noël marcheront ou le mythe de Macbeth expliqué par la science

PUBLIÉ LE 11 DÉCEMBRE 2013
Le mythologue: quand les arbres de Noël marcheront ou le mythe de Macbeth expliqué par la science

On connait la pièce de Shakespeare. Le général Macbeth fait assassiner son roi pour pouvoir régner à sa place. Sur le trône mais plein de remords, il interroge sans cesse les voyantes pour connaître son avenir. Le verdict, pour lui, est plutôt rassurant. Il régnera jusqu’à ce que la forêt de Birnam ne se mette à marcher. Puis il sera assassiné à son tour.

Dans son dernier ouvrage, « Dictionnaire de l’impossible », Didier Van CauWelaert présente un certain nombre de ce qu’on pense être des impossibilités et qui se réalisent cependant. Science à l’appui. A commencer par cette extraordinaire aptitude de certains arbres à se déplacer. Les arbres, selon plusieurs équipes de scientifiques dont les professeurs HalléMurawskiOldemanPelt…,  caractérisés, a priori par l’immobilité, par des racines bien ancrées en terre, seraient capables de marcher grâce à un second ADN situé dans les branches. Ils auraient un ADN de rechange en cas de nécessité! Les arbres sont éternels et sont programmés pour vivre sans limite. Ils ne connaissent pas le vieillissement qui les condamnerait à mort et s’ils meurent, c’est pour des raisons externes: le bucheron, la sécheresse, les parasites. Leur double ADN les aide à survivre.

 Les arbres se mettent en marche plutôt que de mourir

Lorsque l’un de ces grands arbres est empêché de pousser à cause d’une végétation trop abondante ou parce que l’homme a construit des tours qui le privent de soleil, il se met en marche. Il se déplace vers la lumière en formant de nouvelles racines qui le tirent vers le nouvel espace de vie, et il laisse mourir ses anciennes racines qui le condamnaient à l’immobilité et à la mort, faute de lumière. Ce mouvement prend des mois, mais on peut l’observer avec une caméra braquée sur l’arbre et dont le film sera repassé ensuite en accéléré. Les arbres bougent pour s’en sortir et s’adaptent aux situations comme s’ils avaient un de ces fameux cerveaux d’adaptation qui a permis à l’humanité de survivre et de se développer.

Le mythe de Macbeth reconnu par une preuve scientifique

Que nous dit le mythe de Shakespeare? Que l’assassin peut vivre en paix mais qu’il va lui falloir sans cesse observer la nature. Une leçon d’écologie avant l’heure. S’il observe la moindre hérésie naturelle, l’assassin sera rattrapé par son destin. La leçon première de la nature est la survie. Tout organisme vivant se bat pour survivre. Le professeur Laborit nous rappelait qu’un « être vivant est une mémoire qui agit ». Dans le film « Mon oncle d’Amérique », il nous informe que « Nous ne vivons que pour maintenir notre structure biologique, nous sommes programmés depuis l’œuf fécondé pour cette seule fin, et toute structure vivante n’a pas d’autre raison d’être que d’être ». Les arbres se sauvent pour sauver leur peau et leur immobilité ne serait qu’apparente.

Les mythes viennent de l’observation depuis toute éternité

Cette histoire rocambolesque de la forêt qui avance chez Shakespeare vient sans doute de très loin, de l’observation des forêts depuis toujours, du temps où les humains regardaient « religieusement » la nature comme une partie de la divinité. Un mythe est un bout d’explication du monde que nous ne savons pas expliquer autrement que par une métaphore. La caméra en accéléré n’existait pas ni l’observation scientifique mais les anciens qui ont transmis cette « narration » jusqu’ au dramaturge anglais ont permis à ce mythe de la forêt qui avance de se fonder sur une réalité. La plupart des mythes ou légendes se fondent sur une observation scientifique que l’on commence à peine à redécouvrir. Voilà pourquoi, l’époque du mythe se réinstalle à nos portes. Paradoxalement, grâce à la science. Espérons que personne ne vienne à prophétiser la marche des arbres de Noël. Ce pourrait alors être un signe avancé de la décadence de notre société…

 “Le messager : Monseigneur, ce dont « j’ai vu », je dois le dire,

                            Mais comment dire, je ne sais.

 

Macbeth :          Dis-le.

 

Le messager : J’étais de garde en haut de la colline,

                            J’ai regardé Birnam, et, là, j’ai cru 

Que la forêt se mettait à bouger.”

 Extrait de « La forêt qui marche », Macbeth – acte V.

 

 

La maman blogueuse, dernier symbole du mythe contemporain?

La semaine dernière, Paroledemaman organisait son  “E-fluent Mums Day”, une journée avec et pour les mamans blogueuses. Un monde fou, on s’y bousculait autant qu’à la garden party de l’Elysée!

J’ai toujours pensé qu’Emma Bovary serait de nos jours une blogueuse influente. C’est une façon d’écrire et de décrire son expérience, d’être moins seule, de (re)devenir le centre du monde et de…gagner  (un peu) sa vie, ce qui ne gâche rien.
Ces mamans blogueuses sont décontractées vis à vis des marques, de l’argent. Elles y vont “au feelling” sans règles de précaution impossibles à tenir, tout en expérimentation.

Et ça marche!

Elles arrivent dans la salle de conférence telles des stars, applaudies malgré leur évidente timidité (pour certaines) pour avoir écrit leur doute sur telle pratique d’allaitement , sur les couches jetables, sur le rôle des mecs dans leur vie et leur regard sur cette “maman blogeuse”. Pas très  joli, là non plus visiblement!

L’héroïne Bovary21,* la descendante d’Emma Bovary ne pouvait être que maman et blogueuse.
Avec cette question lancinante et toujours sans réponse, ni dans le roman, ni sur scène ce jour là : malgré les très nombreuses “amies” : la blogosphère est-elle une arme anti-suicide?

Le débat ne pouvait y répondre, la journée non plus . Mais un nouveau mythe est né, celui de la maman blogueuse, cette nouvelle amazone, qui n’a pas besoin de se mutiler d’un sein pour démontrer qu’elle tient le pavé de l’influence et qu’on ne la fera pas revenir de sitôt au silence anxiogène des femmes de jadis.

 

*Bovary21 (roman). G. lewi. (François Bourin éditeur.)

Chronique sur INFLUENCIA. La marque et la bêtise!

Décryptage du mythologue : Pleyel, mythique ou pas, halte à la bêtise !

PUBLIÉ LE 20 NOVEMBRE 2013
Décryptage du mythologue : Pleyel, mythique ou pas, halte à la bêtise !

 

Pleyel va refermer les portes de son dernier atelier où « œuvrent » encore quatorze personnes. Petit cours de marketing et de branding pour ces dirigeants de marques mythiques, qu’ils fabriquent des pianos ou autre chose
Pleyel qui ne produit plus que vingt pianos par an contre mille sept cents, en l’an 2000, va fermer. Son concurrent français Klein, lui n’a plus qu’une douzaine de salariés. Cette affaire des pianos français est incroyable et montre une absence de discernement.

 Un mythe n’est pas une marque

C’est bien de raconter une histoire qui fait plaisir à entendre et flatte l’identité nationale sur son savoir-faire artistique, son excellence créatrice, sa culture, sa beauté architecturale… Depuis le XIXe siècle, art et culture sont synonymes de l’expression d’une société avancée, civilisée. C’est pourquoi, après avoir acheté des biens de consommation, les nouveaux riches achètent des œuvres d’art… toujours à prix d’or. Tant mieux pour les marchands d’art et les artistes contemporains qui en profitent ! Car un mythe, dans notre société en mouvement perpétuel doit être monétisé pour avoir les moyens de se survivre. Il en va ainsi de la forêt de Brocéliande, lieu de pèlerinage hautement touristique ou de Paris ou du Mont Saint Michel…

Une marque mythique ne suffit pas

Les mythes deviennent ainsi, progressivement, des marques mythiques qui expriment au travers d’une histoire, généralement ancienne, (Pleyel a été fondée en 1807) un savoir-faire, une histoire, des innovations, des batailles techniques et commerciales, des avancées sur un marché qui fut toujours concurrentiel. Aucune marque mythique ne vit sur un long fleuve tranquille. Toutes celles qui ont survécu ont su s’adapter à une réalité économique, à des exigences marketing nationales puis internationales. Elles ont manqué de mourir vingt fois ! La qualité, certes, la passivité, non ! ChanelVuittonDior et d’autres ont bien failli disparaître et s’en sont sorties. Comment ?

Le marketing, est un frère ennemi mais il fait tout de même partie de la famille

La survie et le développement d’une marque mythique passe par des produits de grande qualité vendus cher et par un service hors norme. Mais pas que ! Sinon guette le syndrome Pleyel et derrière lui, celui des métiers d’art. Le marketing, souvent ennemi de la marque lorsqu’il est outrancier et que le « stretching » (l’extension de la marque), est abusif, est absolument obligatoire dans un monde où le consommateur s’est habitué à segmenter ses propres besoins. Au pianiste émérite, un instrument aux 5000 pièces, à celui moins exigeant, un instrument aux 3000 pièces, au débutant qui rêve cependant de devenir un virtuose, un instrument de qualité de la même marque mais fabriqué ici plus vite, ou ailleurs… La marque est l’art de l’identité unique, le marketing celui de la segmentation des offres. Ce sont des frères et sœurs qui se chamaillent et sont, malgré tout inséparables. Nicolas Hayek a sauvé l’horlogerie suisse sur ce constat simple : marque et marketing doivent faire bon ménage.

Des labels à la pelle !

Les pouvoirs publics qui souvent ne comprennent pas grand-chose, malgré les efforts répétés de nos dirigeants, à ce doux mélange de marques et de marketing développent pour ces pauvres entreprises à l’agonie des « labels ». Pleyel aurait obtenu en 2008, le label « Entreprise du Patrimoine Vivant ». Le patrimoine est sans doute vivant mais l’entreprise est morte ! Nos ministères confortent les dirigeants de ces PME à l’agonie dans l’illusion d’un monde figé. C’est inutile, dommageable et dans un certain sens criminel. En économie, la bêtise tue ! Pour être plus intelligents, ces dirigeants ont besoin de sortir de chez eux et de prendre loin, en Asie ou ailleurs des cours de marketing, de rencontrer d’autres réalités que celle de labels « ad hoc ».

 

Lettre ouverte à Emilie Perl de Qeelin

Bonjour Emilie Perl

Je ne vous connais pas mais vous êtes bien agressive à mon égard dans votre commentaire.
Je me réjouissais dans mon “papier” qu’une de mes étudiantes, (dont j’avais été le maître de thèse professionnelle et dont j’ai perdu la trace)  stagiaire alors chez Qeelin et avec nous avions “travaillé” sur le futur branding de la marque ait apporté son savoir pour que cette entreprise de joaillerie chinoise (à l’époque, on ne songeait même pas à parler de marque pour une entreprise chinoise). Je me réjouissais que cette entreprise soit devenue une marque de luxe un peu reconnue et soit admis dans le cercle restreint des poulains du groupe de luxe PPR.

Je ne vois pas en quoi ce “storytelling” plutôt sympathique porte ombrage à la marque, et à la boutique que vous dirigez. En général, les créateurs aiment à dire “qu’ils sont nés” dans des garages avant de devenir des mega-brands.

Un professeur peut se montrer satisfait de voir que les sujets sur lesquels ont travaillé “ses” étudiants aboutissent sans être nécessairement MEGALO, comme vous dites.Cela ne lui apporte ni gloire ni argent, croyez moi.

Et vous que cherchez vous en lançant cette “polémique”?

L’amitié ou le dernier des mythes vivants?

Avec les algorithmes, le mythe de l’amitié en prend un coup

PUBLIÉ sur INFLUENCIA LE 06 NOVEMBRE 2013
Avec les algorithmes, le mythe de l’amitié en prend un coup

 

L’amitié n’existe pas ; voilà pourquoi Facebook réussit ! Luc Dellisse, romancier, essayiste, qui enseigne l’art du scenario à Paris et Bruxelles vient de publier un livre étonnant « Le tombeau d’une amitié : André Gide et Pierre Louÿs » .

L’auteur de ces relations étranges entre André Gide, encore étudié de nos jours et Pierre Louÿs, génie littéraire précoce et quasi inconnu, nous dresse en bon scénariste le récit de leur amitié. Le brillant Pierre et le terne André qui profite de la lumière du premier, l’imite et finit par le dépasser. Là, bien-sûr, toute amitié disparaît : « Quel contraste : tandis que l’un monte ainsi vers l’azur, l’autre s’enfonce inexorablement ». On ne peut s’empêcher de penser aux amitiés célèbres, à soi-même, à ses amicales relations, aux algorithmes des réseaux sociaux… L’amitié en prend un sale coup !

 Toutes les amitiés se ressembleraient et seraient fruits de la séparation.

A propos de « ses » deux auteurs, Luc Dellisse fait une comparaison : « Gide et Louÿs rejouent sans le savoir l’histoire contrastée et la relation difficile entre Diderot et Rousseau ».

Que dire alors de Montaigne et de son ami La Boétie dont Montaigne écrira, après sa mort : « Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : parce que c’était lui ; parce que c’était moi. » Cette amitié mythique deviendra littéraire parce que La Boétie, le plus doué des deux mourra très jeune et laissera la place à Montaigne pour s’exprimer.

 

L’amitié ne serait qu’un mythe, une histoire extraordinaire à laquelle les gens croient dur comme fer mais qui n’est qu’une illusion de plus : les amitiés célèbres ne perdurent que parce que l’un meurt…

Et aujourd’hui ?

Relisons Montaigne : « Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité… ».

L’amitié absolue serait rarissime et n’existerait peut-être pas hors de circonstances exceptionnelles. Ce qu’on nomme amitié ne serait que le fruit de l’occasion ou de l’intérêt. C’est ce qu’exprime le pessimiste La Rochefoucauld dans l’une de ses maximes : «Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts et qu’un échange de bons offices; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour-propre se propose toujours quelque chose à gagner. »

Nous voilà bien déçus et l’amitié rangée au rang de mythe, une vertu que les gens croient bien réelle et qui ne l’est sans doute pas. Tout au plus une représentation artistique du genre humain et de sa capacité à se croire meilleur qu’il n’est.

Nos « amis » de Facebook

La génération des réseaux sociaux, celle qu’on nomme quelquefois « les Nouveaux Bovary » a fait de la rencontre et de l’amitié qui s’en suit un fondement de sa mythologie. Et qui dit amitié dit transparence. Entre amis, on se dit tout : « Les vraies amies ne se cachent rien. Si le blond de l’une est une calamité ou que le nouvel amoureux de l’autre est une erreur ambulante, elles ne prennent pas de gants pour lâcher le morceau. ». Facebook nous propose des amis à la pelle. Nous l’acceptons d’autant plus volontiers que l’amitié n’existerait pas.

Tout serait pipé, en effet depuis Homère. Et on doit bien l’accepter à l’époque des grandes oreilles, où nos futurs « amis » nous sont proposés par algorithmes : « Nous sommes constamment engagés dans une sorte de danse avec l’algorithme dont nous ne connaissons ni les règles, ni quand elles sont modifiées ». Les algorithmes ne peuvent fabriquer que des communautés, or l’amitié est unique !

 D’ailleurs, on est rarement « ami sur Facebook » avec ses vrai (e)s ami (e)s. Ne trouvez-vous pas cela curieux ?

 

Leonarda. La naissance de premier mythe de l’ère Hollande.Ma chronique Influencia

Leonarda : tous les ingrédients pour construire un nouveau mythe

PUBLIÉ LE 23 OCTOBRE 2013 sur trendmag@influencia.net
Leonarda : tous les ingrédients pour construire un nouveau mythe

 

Inconnue il y a un mois, Leonarda, est devenue plus qu’un symbole, un mythe, celui d’une gosse victime d’un monde de « grands » : petite esquisse de construction d’un nouveau mythe.

La question Rom est « sur la table » depuis longtemps, avec des directives européennes généreuses mais visiblement difficiles à appliquer, de l’argent qui disparaît dans les caisses des états d’origine. Et puis tout à coup, un prénom inusuel, une proximité, le féminin de Leonardo, (Dicaprio ou Da Vinci) ; en tous cas, un prénom plutôt génial ! Et puis un visage encore ingrat entre la petite fille et la jeune fille. Et au Kosovo, une robe rose, bien sage, désuète à souhait, presque ringarde comme l’est cette question qui devrait être résolue depuis des lustres.

 

 

La transgression comme carburant

 

Première transgression : la police à l’école ! Ou pire, à la descente d’un bus scolaire où la classe réunie allait s’ouvrir à l’entreprise, au monde censé être accueillant pour cette jeunesse qui se cherche tant. Comme un air de rafle, même si cela a été fait avec précaution. Des copines qui questionnent « qu’est-ce que tu as fait ? ». Le sentiment de la gamine d’être en fraude car elle connait la situation de sa famille. Ses plaidoiries à la télévision montrent bien qu’elle a appris, malgré elle, à bien manier le « storytelling » des grands.

 

Deuxième transgression : le président de la République, ne sachant comment se sortir de cette affaire qui est née comme une mauvaise goutte paralysante le lendemain d’un diner trop arrosé, propose de séparer la gosse de sa famille. Toute seule en France, dans un foyer, gavroche au féminin, obligée de se débrouiller dans ce monde déjà surmédiatisé autour d’elle ! Impensable, sauf dans l’esprit de quelque haut fonctionnaire habitué à « faire des synthèses ».

Une histoire sans issue

Le mythe est là pour permettre de discerner une solution dans une situation impossible. Œdipe illustre la position impossible des fils, Antigone exprime la force de la morale privée face à la raison d’état, Prométhée la difficile situation de l’homme démuni face aux cieux, Sisyphe l’acceptation de la condition humaine, fût-elle désespérante. Leonarda est désormais identifiée à la situation impossible d’une enfant dans un monde d’adultes, trop grand et trop bête pour elle. Une Cosette des temps moderne, en quelque sorte. Qui sera son Jean Valjean ou son Victor Hugo ? Vus le nombre de commentateurs, les candidats ne manquent pas.

La jeunesse fait bloc

La logique communautaire de la jeunesse se met en place ; Leonarda n’est plus seule. Elle n’est plus la conséquence malheureuse malgré elle d’une politique mais le moteur d’une mobilisation. D’objet balloté, elle devient sujet et joue à fond son rôle en attisant les médias qui campent au Kosovo. Un dialogue se crée entre cette jeune Rom et toute une jeunesse. Comme jadis, le « Che » n’était pas seulement le symbole identitaire d’une Amérique centrale en recherche de sa voie politique mais d’une jeunesse mondiale en quête d’un idéal dans un monde endormi.

Et pour clôturer le tout, un parfum de scandale

Le père serait menteur et violent. Il achète de faux papiers comme vous et moi achetons une botte de navets. Et pour moins cher ! Il battrait sa femme et ses gosses. Un vrai Thénardier ! Il ne manquait plus que cela pour rendre la situation encore plus inextricable ! Ce mythe commence comme un thriller. Espérons qu’il nous épargnera les cadavres, trop souvent inhérents aux mythes les plus robustes ! Car le tragique du mythe pour s’installer définitivement ne se contente pas, la plupart du temps, de simples allers-retours entre l’Europe Centrale et l’Europe occidentale !