Pour la rentrée, le président aurait eu besoin d’un mythologue à ses côtés.

N’étant pas mythologues, les commentateurs qui essayent de comprendre la chute dans les sondages du président ont pensé à tout sauf à l’essentiel : le mythe de la rentrée.

L’œuvre la plus connue de Mircea Eliade , l’éternel retour,(Folio. Essai. 2001) nous rappelle une évidence : l’être humain vit selon des rites hérités d’une époque bien lointaine où l’homme était encore très près de la nature qui l’effrayait bien souvent et auquel il se soumettait.
Le premier rite « agraire » est celui de la rentrée, de la célébration du nouvel an.
Or le nouvel an de nos sociétés s’exprime non pas par le 31 décembre qui ne marque pas vraiment une césure, ni même au printemps pour les urbains que nous sommes devenus mais à la rentrée de septembre. Rentrée des classes et ses rites, rentrée en entreprise et sa cohorte de réunions, rentrée politique.

Or la rentrée est toujours un passage et un espoir.

Un patron, en morale, en économie, en politique peut annoncer de mauvaises nouvelles.
Mais jamais à la rentrée.
La rentrée symbolise précisément le renouveau de la création, un espoir, une illusion folle, une utopie rêvée.
C’est le moment où l’homme pense participer à quelque chose de grand qui le dépasse, à une lutte entre un monde difficile qui finit et un monde nouveau qui s’annonce…

La rentrée permet à chaque humain d’annuler le temps et de retrouver une virginité.

La rentrée représente un instant magique.

En apparaissant à la télé vision pour « son discours de rentrée » le président a bien compris le sens des rites de cet « éternel retour » mais en annonçant « la gravité exceptionnelle de la crise », il a ramé à contre-courant. Un mois plus tard, son discours ne l’aurait pas entrainé dans les abimes des sondages.

Début septembre encore ensoleillé, c’était jouer à contre temps au sens littéral du terme. Il déclencha une catastrophe médiatique, notre nouveau cosmos.

Les « nouveaux Bovary », cette génération des réseaux sociaux applique à la lettre cette nouvelle mythologie car elle a bien mieux compris cette leçon de la nature. Elles et ils ne se montrent sur Facebook que dans leurs meilleurs moments et nous entrainent dans un monde de bulles et de promesses heureuses, quelquefois…factices. Ce sont des « Bovary ».
Elles et ils ont alors le « pouvoir de se croire autre qu’ils ne sont » .
Ces « nouveaux Bovary », représentation de cet éternel retour de l’humanité sur la scène de l’univers manient bien la différence entre le temps du mythe, narratif et heureux et le temps de la raison, celui du laborieux labour qui suit le temps des semis.
Muthos et logos, cette séparation originelle si chère à Platon ne se mêlent pas aisément. En tous cas pas au même moment. Les « Nouveaux Bovary », adeptes des mythologies du quotidien, le savent. Ils devraient twitter « cette leçon » au président…140 caractères suffisent.

Les présidents de la république ou des autres activités humaines devraient tous avoir un mythologue auprès d’eux. Ils comprendraient mieux ce que les humains ressentent, la signification des mythes des origines, ces histoires à l’apparence farfelues mais que l’humanité considèrent, dans le fond, comme vraies. Ils pourraient ainsi être les présidents des nouvelles mythologies…

Publié par G. Lewi

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